Accéder au contenu principal

Tourisme et durabilité : impacts sociétaux et enjeux éducatifs au Sénégal

Le tourisme nouveau, résultante des caractéristiques de cette interconnexion planétaire que symbolise la mondialisation en termes de progrès économique, social et technologique, se trouve ainsi, de par son aspect culturel, relationnel et commercial, sous la voûte de la communication qui, aujourd’hui, le détermine à tous points de vue. Évolution transactionnelle, à travers les technologies de l’information et de la communication, rapprochement des peuples, grâce à de meilleures conditions de voyages et de dialogues (voiries, aviation, autres moyens de locomotion, médias, Internet etc., étant les avatars de cette mobilité). Néanmoins, s’il est possible de chanter les valeurs nouvelles promues par le tourisme à travers tous ces dynamismes communicationnels et économiques, il n’en demeure pas moins que de véritables bouleversements socioculturels résultent de cet avènement planétaire et plus particulièrement pour les destinations du Sud qui se trouvent classées au label de l’exotisme. Il est évident que, loin d’une unanimité avantageuse, le tourisme tel que pratiqué dans ces nouvelles destinations soulève de grandes inquiétudes. Déjà, loin de l’Afrique et du Sénégal, Cecil RAJENDRA, à travers ce poème s’indignait des impacts environnementaux et culturels du tourisme.
« A l’arrivée des touristes,
Nos hommes rangèrent
Leurs filets de pêches
Pour devenir garçons de restaurant
Et nos femmes se prostituèrent

A l’arrivée des touristes
La culture qui fut la nôtre
S’envola par la fenêtre
Nous troquâmes nos coutumes
Contre des lunettes de soleil et des boissons gazeuses
Nous transformâmes
Nos rites sacrés
En peep show à cinq sous

A l’arrivée des touristes
Nous ne pouvions plus
Aller à la plage
Car le gérant décréta que
Les indigènes salopent les bords de mer »[1]

Les impacts liés aux enjeux du tourisme sont révélateurs. Cette image négative que décrit Cecil RAJENDRA, loin de refléter une norme dans les pays du Sud, doit, néanmoins, attirer l’attention des acteurs vis-à-vis des bouleversements culturels qu’il draine, mais aussi et surtout sur les nuisances environnementales et risques sociopolitiques qui en résultent assez souvent. En effet, la renaissance touristique dans les nouvelles destinations du Tiers-monde dites « exotiques » n’attire pas que des capitaux financiers. Fruit d’investissements souvent « bien » encouragés par les gouvernements locaux grâce aux impacts sociaux en termes d’emplois, le tourisme est aussi souvent à l’origine d’un ensemble de crises sociales qui peuvent se représenter en termes de risques : corruption des mœurs, oisiveté de la jeunesse (du fait de l’argent facile), crises politiques, culturelles, sociales et sanitaires, dues aux conflits d’intérêt, à la dégradation de l’environnement, aux pollutions diverses, spoliations foncières, etc.
Le tourisme n’est cependant pas qu’un chapitre de nuisances ; il demeure une industrie culturelle, une dynamique économique qu’il faut certes « assainir », mais surtout construire dans la durée. Voilà pourquoi on le définit par ailleurs par son aspect transversal, catalyseur d’un ensemble d’activités économiques, sociales et culturelles comme le démontrent si bien Jean Michel DEWAILLY et Emile FLAMENT qui pensent que
« l’activité touristique résulte de la mise en mouvement d’un grand nombre d’éléments et de partenaires : sites naturels, conditions climatiques, attractions et équipements touristiques, hébergement, informations, transport, mise en marché, professionnels divers, revenus disponibles et choix des clients, situation sociopolitique des espaces visités, état de l’environnement… » [2].
Parler du tourisme contemporain, et plus encore d’écotourisme, c’est évoquer un concept holistique, une activité globalisante, tout comme l’est le développement durable. Et, c’est dans cette perspective, particulièrement dans le domaine socio-économique où il est porteur de croissance, qu’il paraît urgent pour les pays du Sud, le Sénégal en particulier, de prendre en compte toute la responsabilité environnementale et sociétale qui doit accompagner l’émergence d’une telle activité. C’est pourquoi, le développement durable se conçoit, à l’instar de l’écotourisme, comme un concept, une attitude, un comportement, voire une activité globalisante.
Didier MOREAU a constaté que
« le développement durable est apparu depuis quelques années et s’est imposé dans le champ des médias comme une évidence. Alibi ou véritable élément de stratégie, ce concept aux contours flous et malléable reste encore largement méconnu et incompris, également restreint à une catégorie trop limitée de personnes et de structures. Il reste néanmoins un extraordinaire fédérateur d’idées et de projets novateurs »[3].
Cela nous démontre que les enjeux du développement durable demeurent existentiels car la dimension holistique de ce concept le circonscrit à toutes les activités et préoccupations de la pensée humaine. Enjeux de sociétés mais aussi de civilisation, les principes du développement durable visent à réconcilier le développement économique et social, la protection de l’environnement et la conservation des ressources naturelles. Ce dont témoigne Didier MOREAU par son argumentaire du rapport de BRUNDTLAND qui le définit comme
« un développement répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »[4]. « Le développement durable » soutient-il « vise donc trois objectifs : l’intégrité écologique, l’équité entre les nations, les individus et les générations ainsi que l’efficacité économique »[5].
Ces différents arguments nous autorisent, dorénavant, à qualifier le développement durable comme un vaste programme aux composantes à l’évidence parfois contradictoires, mais qui serait, comme la communication, un concept aux contours aussi diffus. C’est ainsi que cet essai de conceptualisation sur le tourisme et le développement durable nous amène à poser la problématique de recherche en termes d’enjeux, aussi bien pour tourisme que pour le développement durable.

I-                   Éducation et promotion du tourisme durable au Sénégal
Pratiquer du tourisme c’est aussi s’engager dans la société, et vivre en communauté, ce qui signifie apprendre à vivre ensemble et à partager des valeurs qui rapprochent. Le tourisme vit de ces valeurs qui naissent de la rencontre d’autrui ; elles constituent sa matière première. Cependant il comporte aussi des risques qu’il faut, très tôt, appréhender et essayer de les prendre en charge. Par exemple,
« Un nombre très faible de touristes peut avoir des conséquences sociales et humaines très importantes et entraîner un choc culturel avec les populations avoisinantes, sans rapport avec le faible impact économique procuré (le fossé est de plus en plus grand entre le niveau de vie et les habitudes des touristes internationaux et ceux des populations locales) »[6]
Tenir compte de ces impacts, c’est déjà penser à l’attention toute particulière, que requiert l’éducation en milieu touristique. C’est pourquoi toute entrave aux règles de sociabilité, toute action humaine nuisible à l’environnement qui porte ces germes de sociabilité ou de durabilité du développement humain, sont des risques que l’éducation doit pouvoir aider à comprendre et au mieux à conjurer.
Il est aisé, dès lors, de comprendre qu’éduquer la société c’est aussi la rendre responsable et la doter d’outils de prévention contre les aléas susceptibles d’anéantir les efforts de survie et d’amélioration des conditions de vie. C’est dans ce sens qu’il s’avère impératif d’associer tourisme et responsabilité car, c’est de cette façon-là, qu’il sera possible de prévenir les risques inhérents à la pratique touristique et de songer à l’avenir des enfants dont le bonheur est en partie tributaire de nos actions et de notre prise de conscience de leur part d’héritage.

L’adage wolof nous apprend que celui qui éduque sa jeunesse lui donne les ressources de sa vie et par conséquent les clefs de son avenir. Le tourisme étant une ressource économique de premier plan pour le Sénégal, il mérite d’être soutenu, ce qui ne se fera pas sans une prise en compte éducative et professionnelle. Le développement d’une activité touristique viable et prospère passe d’abord par une profonde compréhension des enjeux du développement. Mais ces enjeux sont aujourd’hui plus environnementaux qu’autre chose. Ce qui fait dire à J.-P. LOZATO-GIOTART que
« Les enjeux environnementaux soulevés par la mise en tourisme des territoires les plus variés, à l’échelle planétaire, sont tellement complexes qu’ils nécessitent une prise de conscience collective de tous les métiers directement ou indirectement en prise avec les pratiques touristiques »[7].

Ces enjeux multiples portent les caractéristiques socio-économiques et culturelles des destinations et celles des valeurs culturelles promues par les marchés de la clientèle étrangère.
On peut dire que c’est de la prise en compte des paramètres culturels et économiques de l’offre et de la demande, que dépend la survie d’une activité touristique. Par contre, les principes qui valorisent cette activité ou la pérennisent, sont assimilables par le biais de l’éducation (formation, instruction et apprentissage des codes de conduites, de commercialisation et des pratiques professionnelles). Dans cette dynamique, l’apprentissage peut être aussi une forme d’éducation informelle apte à faire assimiler des connaissances relatives aux pratiques touristiques et aux réalités psychosociologiques et techniques inhérentes au domaine. Ainsi, l’éducation, la formation et l’apprentissage s’avèrent indispensables à l’émergence touristique. Mais il est clair que la mise en œuvre du développement durable ne peut résulter de la seule volonté des acteurs du tourisme. Les gouvernements, le système des Nations Unies, tous, sont sommés de contribuer à l’adoption d’une vision durable dans les pratiques économiques. Par ailleurs, à l’ère de l’écotourisme ou du tourisme responsable, le loisir devient une activité d’entre-aide et de solidarité pour le développement ou encore un moyen d’accès au mieux-être pour une grande partie du Tiers-monde. A cet effet, on peut dire que la réussite touristique nécessite désormais une vocation solide, des compétences professionnelles avérées, tant pour l’aménagement, la production que la commercialisation car les enjeux économiques et environnementaux se situent à tous ces niveaux-là. Et, c’est pourquoi une éducation à l’environnement est une exigence. Comme le dit J.-P. LOZATO-GIOTART,
« Sur le chemin de l’écotourisme seules une étude approfondie des enjeux environnementaux et de la prise en compte des notions de qualité et de durabilité touristique permettront d’imaginer un futur touristique »[8].

C’est d’autant plus juste que pour les pays en voie de développement à l’instar du Sénégal, le tourisme constitue l’un des premiers postes de recettes et de rentrée de devises. Maintenir un secteur aussi vital que celui-là, passe par la préservation environnementale qui coiffe en gros tous les autres facteurs d’attractions touristiques. L’urgence est donc dans la formation de ressources humaines capables de le gérer.

II-        L’éducation à l’environnement : un moyen de préservation du tourisme

Les ressources naturelles sont pour l’essentiel les matières premières du tourisme sénégalais (faune, flore, plage et climat), il faut donc songer à les préserver. Ce qui nécessite d’éduquer les populations à l’environnement, d’informer et de sensibiliser les acteurs sur les actions capables d’affecter les ressources de cet environnement car comme le pense Pierre ZEMOR[9], « la pratique du développement durable exige une véritable communication, de partage de l’information et du savoir, d’échange des expériences et de débat public »[10]. Cela fait partie de la communication pédagogique. Communiquer c’est aussi transmettre du savoir, c’est mettre en forme, c’est éduquer.
Pour que l’action de préservation soit durable et profitable aux générations futures, il faut que les enfants, héritiers, soient formés pour être aptes à porter les actions de développement et de préservation. Au niveau des programmes scolaires sénégalais, les disciplines de sciences naturelles (sciences de la vie, sciences végétales et de la terre) prennent en compte la protection de l’environnement avec des possibilités de spécialisation au niveau supérieur. Cependant, la composante touristique est rarement intégrée dans ces volets éducatifs et moins encore ses impacts environnementaux. Or, inculquer aux enfants les notions de vigilance vis-à-vis des risques de dégradation liés à la pratique touristique, participe également d’une prise en charge durable des ressources touristiques. 
Cette éducation doit être aussi une manière de respecter les droits d’accès de l’enfant à une vie meilleure et au-delà, d’impulser la dynamique d’une certaine responsabilité sociétale. Ce que nous rappelle l’éthique du tourisme inspirée par la charte des droits de l’enfant[11]. Rappelons que cette éthique s’appuie
« Sur sept conditions : le respect de la culture du pays d’accueil, l’évolution en harmonie avec son environnement, la défense des droits de l’enfant, le respect et la considération de tout individu (quel que soit son sexe, sa race, ses handicaps, sa religion, son âge), le droit de se présenter et faire sa promotion en veillant à ce qu’aucune personne ou destination ne soit dévalorisée, s’assurer que la manne économique de ses activités bénéficie à tous les secteurs de la société et notamment aux plus pauvres, œuvrer pour les valeurs de paix, de justice, d’harmonie et d’entente entre les peuples »[12].
Toutes ces valeurs ne peuvent être assimilées que par une volonté éducative que les politiques ont le devoir d’affirmer car pour tirer profit de l’économie du tourisme, il faut véritablement professionnaliser les pratiques, encadrer les acteurs et rationaliser la production. Ce qui relève d’un impératif éducatif et de socialisation de l’image du tourisme sénégalais.

III-      Les impératifs d’une éducation à la culture, aux sociabilités et à l’économie touristique

Dans un pays comme le Sénégal, le tourisme peut être un levier pour le développement et c’est pourquoi les besoins d’encadrement et de promotion se justifient largement. L’éducation à l’économie touristique revêt donc les caractéristiques d’une culture économique appliquée au tourisme. Nous savons que le tourisme est une activité plurielle. Cependant il est possible d’en distinguer deux volets.
-           Le premier, plus professionnel, nécessite des structures de formation aux métiers du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, de la production, du management et de l’aménagement. On peut dire qu’il s’agit d’une dominante éducative professionnalisante.
-           Le second relève plutôt des apprentissages artisanaux et concerne tout le secteur para-touristique et informel (du petit marchand d’art à l’horticulteur en passant par le bijoutier ou l’orfèvre, le galeriste, l’animateur folklorique et l’artiste).
Notre étude va surtout s’appesantir sur ce second volet qui nécessite le plus d’encadrement. Ce qui est encore assimilé à l’informel, « la para hôtellerie » et toutes les activités annexes sont en réalité des freins à la compétitivité internationale. Ce champ d’activités passe pour être la priorité en termes de formation. Ses pratiques constituent les principales imperfections du tourisme sénégalais. Elles prennent l’aspect d’un désordre qui inhibe tous les efforts d’assainissement et de promotion. Et pourtant, l’administration cautionnait de telles pratiques. Jusqu’en fin le porte feuille ministériel qui gère le tourisme comportait les termes y référant : « ministre chargé du Tourisme de l’Artisanat et du Secteur Informel ». Est-ce pour montrer sa préoccupation à réguler ce secteur ? Ou bien, est-ce pour en reconnaître officiellement les pratiques ? Rien n’est clair car un impôt forfaitaire est imposé. En outre, ce secteur informel compte des représentants reconnus par l’État. Ils sont souvent mêmes associés aux voyages d’affaires du gouvernement, de la présidence en particulier. Ce qui semble leur donner un statut officiel.
Quoiqu’il en soit, il est temps de statuer sur l’informel sénégalais, à défaut de pouvoir le supprimer. Mais pour y arriver, il faut d’abord de la formation. C’est ce qui semble urgent car une bonne partie des acteurs du secteur ne savent ni lire ni écrire, ce qui fait que la base éducative requise fait défaut, ce qui ne se rattrape pas dans des délais courts. Il s’impose donc de la formation.
La prise en charge de ces deux volets du tourisme sénégalais passe par ce que nous appelons une éducation à l’économie et à la socialisation du tourisme. Si le premier nécessite un apprentissage académique, une formation professionnelle appropriée, pour le second volet, c’est surtout un encadrement socioprofessionnel dont il est question (à travers des ateliers de formation, des séminaires d’information et de sensibilisation, des journées portes ouvertes).
En milieu rural cela passe par ce qu’on peut appeler « une approche du terroir ». Elle implique de l’information, de la collecte d’idées, d’inventaire du potentiel, la mobilisation des acteurs, l’identification des produits à mettre en avant et enfin la création d’une identité propre au terroir. L’image de la destination résultera de cette identité. La construction de cette image vécue et voulue résulte du « partage préalable d’un certain nombre de valeurs par les partenaires internes, aboutissant à l’élaboration d’une image commune »[13]. Mais cela nécessite d’abord une structuration, voire même une syndicalisation des activités, afin de mieux organiser l’exploitation et de mieux défendre les intérêts des protagonistes.
Nous pouvons dire que la réussite de telles entreprises passe nécessairement par l’assimilation d’une éducation de base qui doit permettre l’acquisition d’une certaine disposition ou ouverture à exercer librement un métier touristique en toute légalité et en parfaite concordance avec les règles d’éthique.
On retiendra que, si des programmes scolaires et des structures de formation sont nécessaires pour la prise en charge du premier volet éducatif du tourisme, pour le second, les chambres des métiers et d’art ou centres artisanaux peuvent permettre l’encadrement des acteurs. Toutefois, il sera question d’éduquer les requérants à la culture touristique et à ses réalités sociales. Ce qui devra surtout tenir compte de la valeur ajoutée que l’artisanat et les traditions culturelles représentent comme enjeux, mais aussi les avantages à tirer de la professionnalisation en termes de promotion, de reconnaissance culturelle au niveau international et surtout de retombées économiques. Cependant, pour assurer le succès de tels projets éducatifs et garantir la durabilité de l’activité touristique à la base, il faut aussi se prémunir de certains risques à caractère politique qui laissent des séquelles inoubliables et parfois insurmontables. Toutefois, la démarche qualité est aussi une exigence dont la promotion touristique devra en tenir compte. 

IV-       Formation et qualité : les enjeux d’une performance pour la production touristique locale

Une bonne formation est une garantie de qualité. Selon Alain LABRUFFE,
« la qualité résulte de la performance “d’un réseau clients-fournisseurs“ qui doit souscrire aux exigences de l’ensemble des clients avec lesquels chaque acteur est en contact pour satisfaire la demande du client final »[14].
La meilleure arme de promotion est d’abord la qualité. Ce n’est pas pour rien que des normes qualité sont éditées dans toutes les structures de production de la sphère industrielle à celle artisanale. La marque HQ est aujourd’hui apposée sur tous les types de produits et tous les types d’établissement se battent pour être agréés. Répondre à la performance touristique exige d’abord l’inventaire des facteurs de non performance. Ce qui requiert une étude minutieuse des pratiques et des usages à toutes les échelles de l’exploitation. Pour le tourisme cela va de l’accueil à la commercialisation en passant par la production.
L’originalité pour la formation qualité au Sénégal voudrait qu’on revalorise les métiers traditionnels, qu’on explore les vieilles recettes car comme le dit un proverbe africain, « les vieilles marmites font les meilleures sauces ». Il sera question de revivifier le folklore local, d’aller à la redécouverte des secrets de la cuisine traditionnelle. Mais cela doit s’accompagner d’une communication de qualité qui nécessite une appréhension des notions d’authenticité, de terroir, d’histoire et de culture. Car dans une alternative de tourisme provincial ou tourisme de terroir encore appelé tourisme domestique, le type de communication qui doit soutenir la promotion de cette approche doit aussi le refléter dans son argumentaire. Cette communication doit pouvoir aider à donner aux produits du terroir une visibilité nationale très claire. C’est pourquoi, elle doit pouvoir s’accommoder des traditions de la transmission, de l’annonce et du partage de l’information en milieu rural et arriver aussi à les ressusciter en milieu urbain ; pour ainsi accompagner la revalorisation des métiers traditionnels au gré du tourisme, de l’art, mais aussi pour des usages fonctionnels dans la vie courante. Il est donc question d’un nouveau type de management qui, « idéalement, s’appuie sur la stratégie qu’il contribue en retour à nourrir »[15]. Cette stratégie définie par Raymond-Alain THIETART comme « l’ensemble des décisions et des actions concernant le choix des ressources et leur articulation en vue d’atteindre un objectif »[16], doit davantage se focaliser sur l’information communication, car il faut que les consignes soient comprises afin que la politique de l’entreprise soit assimilée, s’exécute sans difficultés majeures, sans heurts et sans retard.
Il est évident qu’à l’image du tourisme, la palette des métiers est vaste et diverse. Chaque destination, chaque produit et chaque pays détiennent des particularités culturelles qui forgent leur identité. Nous pensons que la formation touristique nationale devrait s’appliquer à l’intégration de ces particularismes et les intégrer aux métiers qui concourent à la production. Certes, il existe une norme qui semble universelle dans toutes les pratiques touristiques modernes liées au management et à l’accueil, mais la valeur d’une production touristique réside surtout dans l’innovation et la créativité. C’est là où prend tout le sens de la notion du terroir qui se présente comme le terreau du tourisme de demain.
Face à l’émiettement des grandes aires et de leurs faunes et flores, la production touristique devient de plus en plus culturelle. L’environnement se transforme en espace d’expression culturelle. Comme le pensent déjà J-P. METAILE et G. BERTRAND,
« L’environnement, c’est aussi l’une des grandes dimensions culturelles et esthétiques de l’humanité. Elle s’exprime, pour partie, dans les paysages qui déploient leurs fastes colorés au gré des latitudes, des altitudes et des saisons. Ils sont la mémoire des lieux, avec leur charge d’émotions et de rêves. L’environnement, la dernière révolution copernicienne ? L’émergence de la question de l’environnement est bien l’un des événements les plus marquants du monde contemporain. Il participe d’une révolution globale de la sensibilité et de la pensée, de la culture et de la connaissance et, par là, de l’aménagement des territoires et du développement des sociétés »[17].
Cette dimension transdisciplinaire de la notion environnementale doit être aussi le reflet des pratiques (métiers, sciences, relations) qui doivent permettre sa préservation et sa gestion la plus juste, tenant compte de notre évolution et de nos besoins. Ce qui dépend du flair et du bon sens de tous les acteurs. Pour le Sénégal, il faut songer à l’introduction de vécus locaux (expériences) comme des apports capables de booster l’attractivité. Cela part du stylisme ou de la couture (pour être authentique) qui est un des arts touristiques les plus aptes à relever la gamme. On envie la France, dans le monde entier, et ses célébrités de la mode (John GALLIANO, Yves Saint LAURENT, Karl LAGARFELD, etc.). Toutes ces professions de la musique, de l’art, du cinéma du sport ont un impact promotionnel très conséquent sur le tourisme. Les développer c’est aussi insuffler la demande touristique. L’innovation gastronomique, en ce qui concerne la restauration, peut se traduire par la recherche de nouveaux talents comme cela se fait dans la musique, mais qui pourrait porter à dénicher des « chefs en herbe » par concours de créativité. Des initiatives de cette nature peuvent s’appliquer à toutes les prestations. Seulement, il faut que les meilleurs lauréats soient promus. Pour les secteurs les plus sensibles, dans les métiers de chambres comme pour la cuisine, un concours annuel national médiatisé comme miss Sénégal, peut aider à l’amélioration de la visibilité touristique au niveau national, en même temps que la valorisation de certaines professions encore prises pour des « sous métiers ».
La production de circuits, l’animation, le guidage ne doivent pas être en reste. La professionnalisation à travers un cursus académique est sans doute le plus important car c’est la seule qui permet de pouvoir parler de qualité en termes professionnels. Ce que souligne le président de la fédération internationale du tourisme, Éric DULUC qui,
« conseille vivement aux professionnels du secteur d'investir dans la formation des personnels de l'hôtellerie et du tourisme. Le plus bel hôtel du monde aura beau avoir des robinets en or, mais il ne restera qu'une coquille vide et sans âme si le personnel qui travaille n'est pas à la hauteur des ambitions du service proposé aux clients. C'est une réelle difficulté mondiale grandissante et récurrente que rencontre l'ensemble de la profession aujourd'hui et il est donc nécessaire que la formation soit au cœur de la politique touristique d’un pays qui veut prétendre à l'excellence internationale dans ce domaine »[18].
Comme le souligne M. DULUC, les ressorts de la performance sont la formation et la qualité. Au Sénégal cela doit se traduire par une incorporation de normes d’hygiène liées à l’environnement d’accueil, à la production (transport, hébergement, restauration). Il faut songer aux aléas capables de naître de la négligence d’une mauvaise prise en charge de cette qualité de l’hygiène. Récemment, une délégation ministérielle a failli être victime d’une intoxication alimentaire. Le site de Seneweb titre à sa une « Sénégal : Le sauté de bœuf qui a failli être fatal aux collaborateurs de Djibo Kâ et d’Abdoulaye Diop »[19].
Ces deux personnes citées étaient des ministres d’État. Le premier était en charge de l’Environnement et le second celui de l’Économie et des Finances. La tragédie aurait pu être catastrophique. Le menu en question est mis en évidence:
« Les membres de la délégation ministérielle qui s'est rendue ce vendredi à Niokolokoba garderont un souvenir amer de leur séjour à l'hôtel Simenti. Pour cause, ces derniers ont été victimes d'intoxication alimentaire après avoir pris un repas dont la viande n'a pas été bien conservée. (…). Le ministre d’État avait flairé le coup et avait dans son adresse au responsable de l’hôtel laissé entendre : “vous pouvez maintenir l’architecture traditionnelle de l’hôtel, mais il faut moderniser le service, parce qu’il y a des touristes qui viennent du monde entier pour visiter ce parc“. Le ministre faisait allusion au service assuré par des hommes dont la présentation physique et hygiénique n’était pas des plus réconfortants »[20].
Les impacts de tels échos médiatiques, pour un établissement nommément cité, sont difficiles à évaluer. Son image en pâtira pour toujours et les éditours ne manqueront pas de le déconseiller. Ce qui met à jour la professionnalisation de l’hôtellerie. Voilà pourquoi nous pensons que le Sénégal devrait davantage appuyer la formation sur les trois volets que sont :
-           l’environnement d’accueil, (accueil physique ou présentation, téléphone) et le service que souligne d’ailleurs le texte.
-           Le service de la restauration (bar, cuisine, plonge et service à table).
-           Le service hébergement (espace chambre, literies et serviettes, toilettes et mobiliers).
Il est évident que la prise en charge adéquate de ces trois ensembles de l’hôtellerie constitue un grand pas dans la quête d’une performance touristique.
On retiendra de ce paragraphe que le manque de formation qualifiante qui caractérise le tourisme sénégalais, notamment dans l’hôtellerie et la restauration, constitue un risque dans une certaine mesure. Ce risque repose sur l’incapacité, dans certains hôtels, à assurer le suivi client, à répondre au téléphone et à anticiper sur la demande. Tous ces faits nuisent à la qualité des prestations ; les tolérer c’est exposer l’entreprise touristique à la faillite. Si la formation est un outil d’amélioration de la qualité pour une entreprise touristique, l’information quant à elle, est le nerf de la compétitivité. Son caractère sensible tout comme celui du tourisme en font des outils stratégiques, indispensables pour compétitivité, la performance, bref le développement d’une activité touristique durable.



[1]Cecil RAJENDRA, poète malaisien (1993), http://www.saigonblues.com/2008/04/commodification-of-culture.html, traduction du net, consulté le 22/04/2008.
[2]DEWAILLY Jean Michel, FLAMENT Emile, Le tourisme, SEDES, HER, St. Germain de Puy, 2000, p. 11.
[3] Didier MOREAU, (Directeur de l’Espace Mendès France), in Les Enjeux du Développement Durable, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 17
[4] En 1987 Harlem Ngo BRUNDTLAND présidait la commission mondiale sur l’environnement qui publia le 20 mars à Oslo ce rapport qui porte son nom, aussi publié sous le titre Notre avenir à nous tous, www.ourcommonfuture.org, consulté le 15/01/2010.
[5] Didier MOREAU, in Les Enjeux du Développement Durable, ibidem.
[6] Jean-Pierre LOZATO-GIOTART, Le chemin vers l’écotourisme : impacts et enjeux environnementaux du tourisme aujourd’hui, Delachaux et Niestlé SA, Paris, 2006, p. 13.
[7] Jean-Pierre LOZATO-GIOTART, Le chemin vers l’écotourisme : impacts et enjeux environnementaux du tourisme aujourd’hui, op. cit., p. 148.
[8] J-P. LOZATO-GIOTART, ibidem p. 7.
[9] Pierre ZEMOR, Conseiller d’État, Président de la communication publique et la de FEACP (Fédération Européenne des Associations de Communication Publique).
[10] Pierre ZEMOR, préface, in Bruno COHEN-BACRIE, Communiquer efficacement sur le développement durable, Les Editions Démos, Paris, 2006, p. 7.
[11] En préambule de la constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, il est annoté, que l’État sénégalais « adhère à la convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ». Cette convention a été ratifiée par le Sénégal le 31 juillet 1990.
[12] Pierre AMALOU, Hervé BARIOULET et François VELLAS (dir.), Tourisme Ethique et développement, L’Harmattan, Paris, 2001, p. 13.
[13] François PERROY et Pierre FRUSTIER, La communication touristique des collectivités territoriales, La Lettre du Cadre Territorial - S.E.P.T., Voiron, 1998, p. 27.
[14] Alain LABRUFFE, Communication et qualité, éd. AFNOR, Saint-Denis La Plaine, 2003, pages). p. 1.
[15] Raymond-Alain THIETART, Le Management, PUF., Que sais-je ? (onzième édition), Paris 2003, p. 8.
[16] Idem
[17] Jean-Paul METAILIE et Georges BERTRAND, Les mots de l’environnement, Presses universitaires du Mirail, Université de Toulouse-Le Mirail, 2006, p. 8.
[18] Le Soleil, 1er juin, 2011
[19] www.seneweb.com, consulté le 3 /03/ 2011
[20] Idem

Adama NDIAYE Docteur en SIC, Spécialiste du Tourisme

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Taxe de séjour et promotion touristique

La Loi n° 2012-04 du 3 janvier 2012 Loi n° 2012-04 du 3 janvier 2012 abrogeant et remplaçant l’article 2 de la loi n° 98-55 du 31 décembre 1998 portant augmentation du tarif de la taxe de promotion touristique Expose des Motifs Le tourisme constitue un moteur de croissance économique en tant qu’outil de mobilité d’échange de biens et activités créatrices de richesses qui génèrent des retombées pour le tissu économique national et local. La présente Loi est proposée dans le cadre de la mise en œuvre des priorités de l’action de développement touristique initiée par les pouvoirs publiques dont notamment l’intensification de la promotion touristique et le renforcement de la compétitivité de la Destination Sénégal. Le diagnostic du secteur a mis en exergue l’insuffisance des moyens financiers disponibles pour assurer une bonne promotion touristique gage d’une croissance de flux touristiques pour atteindre l’objectif de 1 500 000 touristes à l’horizon 2015. Ainsi, le Gouvernem

Les Besoins en formation du secteur tourisme au Sénégal

Fiche de renseignements sur les besoins en formation et l’étude du secteur à la demande du CNP. Difficile d’imaginer, il y a quelques années, que le service des ressources humaines travaillerait en étroite collaboration avec le service du marketing, dans le but de peaufiner l’image de marque de l’entreprise et de séduire ainsi les travailleurs. Une réputation qui se prépare, avec un plan de formation, de suivie et d’entretien par des méthodes novatrices. Le Syndicat Patronal de l’Industrie Hôtelière du Sénégal, dans sa politique de soutien aux secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, a toujours soutenue que la formation destinée aux différents membres du secteur est, et demeure l’une des actions prioritaires pour un secteur fort et prometteur. Pour de nombreux professionnels, le passage par un cycle de formation continue, est une condition pour rester compétitif, dans un secteur de plus en plus concurrentiel. Séduire un travailleur, implique la même démarche que ce

La qualification ou la requalification de Saly Portudal, c'est quoi ?

La Petite Cote où la renaissance du tourisme balnéaire Saly ville touristique nouvelle Introduction L’objet de cette réflexion/ étude est de montrer combien il est plus innovant, plus audacieux, en parlant de requalification de la station balnéaire de Saly Portudal, d’utiliser un concept marketing nouveaux pour mieux positionner Saly Portudal dans le monde économique et des affaires et le repositionner dans le tourisme comme ville touristique. Utiliser le terme Saly ville « touristique » nouvelle avec tous ces atouts et facettes est plus porteur d’espoir que d’insister sur la station balnéaire vielle de trente ans et sur un produit balnéaire à la fois vieillissant, et non conforme aux normes et exigences de la demande touristique. La présente étude a pour objectif de montrer les limités de la station balnéaire de Saly et sa progression vers une ville touristique, qui si l’on ne prend garde risque de poser un énorme problème après la mise e service des pointe saréne, de Mbodién